Nous sommes en l’an de crasse 2015.
Nous avons préféré attendre quelques temps avant
d’apporter notre contribution devant cette tornade médiatique sans précédent
consécutive aux tragiques attentats du 7 janvier dernier, même si l’odeur
fétide de l’hypocrisie plane toujours et vient titiller nos narines.
Talleyrand disait : « Agitez le peuple
avant de s’en servir. » Cette phrase convient à la situation. L’espace
d’une semaine, et surtout de cette fameuse journée du 11 janvier, Paris est
redevenue la capitale du monde libre, le porte-étendard de la lutte pour la
tolérance, la liberté d’expression, les Lumières.
Tout le monde se sent républicain, patriote,
Français, comme c’est beau. Tout ça dans un mécanisme, une spontanéité que
n’aurait pas renié un Gustave le Bon ni un Edward Bernays.
La maréchaussée habituellement l’objet de tant de
critiques et de moqueries fait désormais l’unanimité. Aux orties des slogans
tels que « CRS SS ! », désormais c’est « J’ai le GIGN dans
mes gènes ! », ou bien encore « Le RAID, on est raides dingues
de vous ! »
Une fois l’émotion, l’hystérie médiatique et
collective, on peut maintenant essayer de prendre de la distance et dégager une
analyse. Tordons immédiatement le cou à un mensonge : le défunt Charb
n’est pas l’auteur de la phrase fameuse : Mieux vaut mourir debout que de
vivre à genoux. En effet, cette phrase est d’Emiliano Zapata (1879-1919),
révolutionnaire mexicain. De plus, posons la question à ceux qui s’estiment
dépositaires de l’esprit Charlie. Ces derniers prétendent se maintenir debout face
à qui ? Face à des musulmans qui sont d’ores et déjà à genoux ? Quel
courage !
La patrie est en danger. Du salace, toujours du
salace et encore du salace et le peuple sera berné. Ce fut surtout la Nation
rassemblée contre ses musulmans. La liberté guidant le peuple version street
art très cheap.
Tout le monde se bouscule au portillon des médias
pour se répandre en anecdotes savoureuses à raconter sur Charlie Hebdo et son
esprit anar à raconter. Parmi lesquelles Jeanette Bougrab compagne de Charb,
qui charbonne pour nous faire croire à son idylle intellectuelle, à sa romance
mielleuse.
Après la prise d’otages à l’hyper-casher de la
porte de Vincennes du 9 janvier dernier, Benjamin Nethanyahou qui ne perd pas
l’est, en profite pour encourager Français juifs à quitter la France pour
Israël.
Avec un tel plébiscite mondial, la France peut
continuer à bombarder l’Irak, voire même les Lieux Saints de l’Islam, nous ne
pourrions lui en tenir rigueur, car c’est sans doute le prix à payer pour
accéder enfin aux Lumières que nous semblons si rétifs à accepter. On veut
forcer les musulmans à adhérer à une certaine vision du sacré, au fond à une
fin du sacré.
Nicolas Sarkozy a eu son débat sur identité nationale,
Manuel Valls a lui désormais son unité nationale face au terrorisme. François Hollande
ersatz de Raymond Poincaré, Manuel Valls pâle copie de René Viviani. C’est
l’Union Sacrée contre… contre quoi au juste ? Le terrorisme, c'est-à-dire
ceux que l’Occident a soutenu encore tout récemment en Libye et en Syrie et qui
sont désormais voués aux gémonies ? C’est complètement ubuesque, Alfred
Jarry n’aurait pu y exceller avec autant d’aisance, l’Occident continue de
déverser ses jarres d’hypocrisie sur la face du monde musulman.
Incohérence ? Que nenni, c’est la France.
Boniments ? Et oui c’est ça l’Occident.
Ces attentats sont certes effroyables, mais nous
ne sommes pas Charlie car s’en prendre aux musulmans est tout sauf un acte de
courage, les musulmans sont une cible extrêmement facile, n’ont pas de moyens
de répondre et ne représentent, ni ne détiennent aucun pouvoir. Faire
régulièrement des dessins plus que provocants envers une frange de la
population française plutôt pauvre et déjà stigmatisée est tout sauf un acte de
bravoure auquel nous ne goûtons pas. Nous n’avons pas à montrer, à prouver que
l’on est contre la violence aveugle, car les musulmans sont les premières et
principales victimes du terrorisme, en Irak, Syrie, Algérie, Lybie, Afghanistan.
Les musulmans mieux que quiconque savent ce que la
mort brutale, barbare et aveugle signifie. Nous n’avons pas à condamner quelque
chose dont nous ne sommes pas responsables, personne ne souhaite la mort
d’autrui quand bien même ce journal n’était certes pas porté dans le cœur des
musulmans. Le fait de se poser la question si des musulmans condamnent ou non
ces actes est en soi un soupçon insupportable.
L’hystérie contre les musulmans mis à l’index a
atteint des sommets, ces derniers sont sommés encore et toujours montrer la pa-patte
blanche. Nous disons au scribouillard Yann Moixde bien vouloir garder son
paternalisme pour lui et d’aller jubiler tout seul vers son ciel si ça l’amuse,
car nous avons d’autres chats à fouetter. Au moment de l’attaque par la marine
israélienne contre la flotille turque en 2010 qui tentait de rompre le blocus
de Gaza, il était monté fortement au créneau pour défendre la position
israélienne. On pourrait lui retourner l’injonction et l’exhorter à se
désolidariser de la violence israélienne.
On assiste donc bel et bien au choc de deux
cultures, de deux conceptions de l’humour, de la vie. Les musulmans en tout
cas, quelle que soit leur sensibilité ne sauraient se résoudre à rire sur
commande.
L’apothéose fut atteinte avec le tirage record
pour Charlie Hebdo. Va-t-on vérifier dans chaque maison de France et de Navarre
si chacun a son exemplaire de Charlie Hebdo ? Faut-il même le lire aux
toilettes pour être bien Français ? Ira-t-on en prison si ce devoir de
citoyen consciencieux n’est pas accompli ?
L’Occident
aime à taper sur islam, bête sauvage sur laquelle il est de bon ton de
s’acharner en plantant ses crocs démocrates dans la chair ensanglantée, telle
une bête du Gévaudan médiatique, une bête aux griffes limés et enchaînée
toutefois, car c’est plus facile. Mais oui les musulmans ont le droit à ce
qu’on leur fiche la paix, de ne toujours pas apprécier Charlie Hebdo, et à être
persan, pas d’apparence mais au moins d’esprit au pays de Montesquieu.
Il ne faut certes pas sous-estimer le besoin
d’unité dans une société éclatée, atomisée où sous couvert de la défense des
droits individuels, c’est la cohésion nationale qui en pâtit. Un tel dessein
doit pouvoir reposer sur des réflexions s’inscrivant dans le long-terme et non
basé sur une fièvre collective et momentanée aux contours politiques douteux.
Que restera-t-il de cette éruption sentimentale et émotive à laquelle nous as
habituée cette société du spectacle ? Rien. Si ce n’est toujours plus
d’incompréhension et de navigation en eaux troubles et glacées…jusqu’à ce qu’un
iceberg ne se décide à montrer son museau gelé.
On se sert de l’émotion pour créer un consensus
politique et idéologique qui s’est déjà fissuré depuis.
Le comble est que l’on assiste déjà chez l’équipe
de Charlie Hebdo, à du rififi autour du magot abject fait sur les cadavres. Ah
c’est beau l’esprit Charlie. C’était juste de l’esbroufe ? Assurément.
Au passage, votre humble serviteur fuyait dimanche
11 janvier son devoir républicain, et plutôt que d’aller user ses guêtres de
démocrate, de battre le pavé de la tolérance, il préféra entamer la lecture de Michel Strogoff de Jules Verne, dont le
périple long, objet de mille et un dangers doit servir d’inspiration pour la
future vie des Français musulmans, plus généralement en Occident qui sera
soumise à de terribles pressions.
Un enfant de 8 ans à Nice fut convoqué au commissariat
pour apologie du terrorisme. Où sont nos bonnes âmes de gauche, qui sacralisent
l’enfant ? Que ne disent-elles mot contre un tel excès, un tel délire, une
telle infamie ? La paranoïa sécuritaire déréglerait-elle la boussole de la
gauche ? Oui, visiblement.
La répression sur Internet pointe son museau à
l’horizon toujours dans le but de lutter contre « la haine », sans
trop définir ce que c’est.
Parmi les annonces tonitruantes, les autorités
françaises veulent créer une nouvelle instance pour représenter les musulmans,
après avoir constaté que le fantoche CFCM n’était pas du tout représentatif. C’est
ce qui s’appelle avoir les yeux en face des trous. Il faut libérer les
musulmans de toute tutelle étrangère, mais cela passe par ne plus faire venir
des imams de l’étranger, pratique qui semble avoir encore de beaux jours devant
elle. Par contre, qui va libérer cette instance de la tutelle de l’État ?
N’est-ce pas là une atteinte à la laïcité ? Ne sont-ce pas là les
autorités françaises qui mélangent allègrement le religieux et le
politique ?
Les autres partis de l’opposition montent au
créneau, notamment l’UMP et le FN qui cherchent à accroître la pression
laïcarde, comme si celle-ci n’était pas déjà assez forte.
En tout cas, il a suffi d’un clip des Enfoirés
pour faire voler en éclats cette unité. Ils ne pouvaient pas faire une chanson
sur les islamistes comme tout le monde ? Ah les enfoirés !
L’attentat au musée du Bardo de Tunis a lui révélé
le paternalisme insupportable de certains qui exhortent les Français à aller
passer leurs vacances là-bas pour soutenir l’économie tunisienne, car c’est
bien connu les pays arabes ont besoin de la commisération occidentale en manque
d’exotisme pour survivre c’est bien connu. Cela montre que comme beaucoup
d’autres pays arabes misant trop sur le secteur touristique très dépendant de
la demande occidentale, la Tunisie ne peut laisser son économie reposer sur ce
secteur.
Pendant ce
temps, les armées occidentales continuent de bombarder l’Irak pour tenter de
mettre fin au chaos qu’elles ont-elles-mêmes instauré. L’atmosphère devient de
plus en plus pénible et tendue en France. On serait tenté d’imiter Franck
Ribéry qui est en passe de demander la nationalité allemande.
Nous le proclamons dans la langue de Goethe :
Ich bin nicht Charlie !
Et si Nathalie Saint-Cricq souhaite nous repérer
et nous traiter comme de vulgaires cas psychiatriques, alors en m’inspirant du
capitaine Haddock, qu’elle vienne un peu pour voir et je lui dirai
volontiers ma façon de penser : que le Grand Cric me croque si jamais je baisse
mon froc !
Anis Al Fayda
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